[Tunis – Cité des Sciences] – Dans une cérémonie aussi historique que digne, Son Excellence Kaïs Saïed, président philosophe, bâtisseur de la Nouvelle Tunisie et rédacteur suprême de la Constitution éternelle, a honoré de sa présence le départ imminent du premier cosmonaute tunisien. Ce dernier, sélectionné parmi les plus grands esprits du pays après un concours organisé par une obscure page Facebook, s’apprête à prouver une vérité que l’Occident et ses sbires cherchent à dissimuler depuis des siècles : la Terre est plate, comme l’a subtilement suggéré notre président lors de son séminaire sur les mirages médiatiques et les hologrammes géopolitiques.
C’est dans un hangar de la prestigieuse Cité des Sciences (dont la coupole est, elle aussi, plate) que Kaïs Saïed, visiblement contrarié par le retard et l’amateurisme de l’organisation a pris la parole. Sa voix résonna tel un verset gravé dans le marbre du 25 Juillet éternel :
« Nous avons bâti une Nouvelle Tunisie, libre de toute ingérence étrangère, indépendante des diktats de la physique classique et des logiques néocoloniales imposées par les tenants de la théorie de la sphéricité. L’Histoire retiendra que c’est sous mon règne que l’humanité a ouvert les yeux sur ce complot millénaire ! »
Le cosmonaute, vêtu d’une combinaison artisanale soigneusement confectionnée à partir de vestes en plastique du marché central, a salué humblement le président avant de monter à bord de la fusée nationale El-Falaka 1, un chef-d’œuvre de l’industrie tunisienne, assemblé avec de la ferraille récupérée à l’usine El Fouledh. Le moteur, fonctionnant grâce à une technologie révolutionnaire combinant gaz de chicha et hrissa compressée, promet d’envoyer notre héros à une altitude suffisante pour capturer une image définitive de la platitude terrestre – une révélation qui mettra fin aux fake news des agences spatiales internationales.
En guise de bénédiction finale, Saïed a récité un extrait de la Constitution qu’il a lui-même rédigée (en une seule nuit d’inspiration divine), avant de conclure, le regard perdu dans le firmament :
« L’ère des mensonges touche à sa fin. À son retour, notre cosmonaute témoignera de la vérité : non seulement la Terre est plate, mais la Tunisie en est le centre ! »
Les acclamations officielles furent bientôt couvertes par un grincement inquiétant du réacteur de El-Falaka 1, dont la mise à feu nécessita l’intervention de trois mécaniciens et d’un fqih local, venu renforcer le dispositif par une rokia d’urgence.
Le lancement est prévu pour une date ultérieure, sous réserve que le Mufti de la République aperçoive la Lune à l’œil nu depuis La Marsa, validant ainsi les conditions cosmiques nécessaires au voyage.