[Tunis – Médina] – Ce matin, dans une ruelle animée de Tunis, le président Kaïs Saïed, les sourcils froncés et le pas déterminé, a été aperçu en pleine discussion avec une vieille dame dont le foulard, serré si fort autour de sa tête qu’il ressemblait à une chaussette trop lavée, témoignait d’une méfiance légendaire. L’échange, capté par des badauds interloqués, portait sur un sujet pour le moins inattendu : l’ajout d’une pointe de sans plomb 95 à la mouloukhia pour en rehausser la saveur.
— Ma sœur, tu dois comprendre, ce n’est pas du carburant, c’est une essence philosophique ! Une énergie qui réveille les plats et leur redonne leur substance première !
Mais la vieille femme, les bras croisés, plantée sur le trottoir comme un douanier devant une frontière interdite, n’était pas convaincue.
— Ah ça, c’est encore un coup des spéculateurs ! Hier c’était la farine, aujourd’hui c’est l’essence dans la marmite ? Moi vivante, jamais je ne mettrai une goutte de cette chose dans ma cuisine !
Les passants s’étaient arrêtés, captivés par la confrontation entre le chef de l’État et l’ancienne du quartier, qui semblait plus inébranlable qu’un plat de brik resté trop longtemps au soleil.
— Mais enfin, ma sœur, tu refuses la vérité ! Le sans plomb 95 est un élément dynamique, une force propulsive, un vecteur de goût supérieur !
— Et toi, mon fils, tu refuses la réalité ! Le seul truc que ça va propulser, c’est ma casserole à la poubelle !
Lassé par tant d’obstination, Kaïs Saïed a soudain jeté un regard méfiant autour de lui, plissant les yeux comme s’il venait de flairer un complot.
— Je vois… On t’a retournée contre moi, n’est-ce pas ? Les traîtres infiltrés dans les marchés t’ont dit que le vrai goût de la mouloukhia devait rester figé dans le passé… Mais moi, je connais la vérité !
La vieille femme n’a pas bronché, resserrant son foulard d’un geste sec, comme pour s’assurer que ses idées ne fuiraient pas sous la pression présidentielle.
— Mon fils, si c’était si bon, pourquoi on en trouve plus à la pompe ?
Un silence pesant s’est installé. Kaïs Saïed, le doigt levé comme s’il allait annoncer une réforme historique, a finalement baissé la main en soupirant. D’un mouvement dramatique, il a tourné les talons, lançant avant de disparaître :
— Un jour, tu comprendras… et ce jour-là, la mouloukhia parlera d’elle-même !
La vieille dame, impassible, a haussé les épaules avant de continuer son chemin, murmurant :
— Moi, tout ce que je veux, c’est qu’on baisse le prix des pois chiches…