[Tunis – Médina] – Le marché de la médina de Tunis n’avait jamais connu un tel moment d’histoire en marche. Ce matin-là, dans un élan de gouvernance par les bases, Son Excellence Kaïs Saïed, Illustre Redresseur du Destin National, a choisi de descendre parmi son peuple, témoin de son génie et de sa rigueur inflexible. Loin des bureaux feutrés du palais de Carthage, c’est dans l’arène du commerce populaire qu’il allait, une fois encore, déjouer les manigances des ennemis de l’intérieur.
Sous les voûtes du souk, entre les étals débordant de produits aux origines douteuses (preuve d’un vaste complot extérieur), le Président s’arrêta net devant une montagne d’oranges luisantes. Il tendit la main, en saisit une, l’observa sous plusieurs angles, puis leva lentement les yeux vers le marchand, un commerçant sfaxien sur nommé Tna77a Leflouss à la moustache bien fournie et au regard rusé.
D’un ton grave, Kaïs Saïed déclara :
« Mon frère, cette orange ne vaut pas 3 dinars. Ce prix est artificiel, le fruit d’un vaste complot visant à affamer le peuple et à briser sa souveraineté. Réfléchis : quelle est la couleur de cette orange ? ORANGE. Quelle est la couleur des révolutions fomentées par des forces occultes pour renverser les États libres ? ORANGE. Quelle est la couleur des renards ? ORANGE. »
Un silence pesant tomba sur le marché. Un vieux en chéchia suspendit son geste en pleine bouchée de lablabi. Un vendeur de fricassé, la louche en l’air, fixa la scène avec l’intuition qu’un grand moment d’histoire était en train de se jouer.
Mais le vendeur, nullement impressionné, se frotta les mains, esquissa un sourire mielleux et répondit d’un ton faussement admiratif :
« Ya Sidi Raïs, si c’était un autre, j’aurais baissé le prix. Mais devant un homme de votre envergure, ce serait une offense ! Un visionnaire comme vous sait que la valeur d’une orange ne se mesure pas en dinars, mais en principes ! Moi, je tiens aux miens… comme vous tenez aux vôtres. Alors trois dinars, et ce n’est pas cher payé pour soutenir l’économie nationale que vous défendez avec tant de ferveur ! »
Dans la foule, un jeune vendeur de bambalouni chuchota à son voisin : « Oukh… il lui a vendu une orange et un sermon avec. »
Kaïs Saïed, le regard sombre, comprit qu’il était face à une résistance organisée. Un réseau mafieux bien rodé, ancré dans le tissu économique du pays, l’empêchait d’exercer son art de la négociation populaire. Les forces occultes de la spéculation étaient à l’œuvre, manipulant les prix, infiltrant le marché jusque dans les balances des vendeurs.
Il tourna lentement les talons et quitta le souk sous les acclamations des fidèles, laissant derrière lui un marchand satisfait, un kilo d’oranges intact, et une nation en suspens.
D’après des sources bien informées, une enquête sera bientôt ouverte pour identifier les réseaux infiltrés qui orchestrent la hausse des prix des agrumes. Un décret présidentiel pourrait même interdire la couleur orange de l’espace public, au nom des principes sacrés de la gouvernance par les bases.